Prescriptions hors AMM
Tout médicament doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée soit par l’Agence Européenne pour l’Evaluation des Médicaments (AMEA), soit par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ces autorités ont pour mission d’évaluer sur la base de dossiers fournis par les fabricants le rapport bénéfice/risque du médicament concerné en termes de qualité, de sécurité et d’efficacité. Or pour des raisons tenant notamment au coût des essais, les laboratoires pharmaceutiques ne prévoient pas l’ensemble des indications thérapeutiques pour lesquelles la spécialité serait susceptible d’être prescrite.
Le praticien peut donc être amené à prescrire hors du cadre légal de l’AMM et l’actualité médiatique nous invite à faire le point sur ce type de prescription qui n’est pas sans danger.
Liberté de prescription hors AMM – La prescription hors AMM est pratiquée par un médecin lorsqu’il utilise un médicament hors du cadre restrictif pour lequel il a été autorisé. Soit parce qu’il veut traiter une autre pathologie, soit parce qu’il a décidé d’utiliser une posologie différente de celle qui est recommandée. Cette démarche n’est pas illégale. Selon l’Article 8 du Code de déontologie médicale en effet, « le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ». Ce principe n’est cependant pas absolu, puisqu’il existe des restrictions notamment lorsqu’il s’agit de médicaments réservés à l’usage hospitalier, réservés à certains médecins spécialistes, ou nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement. Il existe également des limites économiques, les médecins étant tenus dans tous leurs actes et prescriptions, d’observer dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, « la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins » (L162-2-1 CSS).
La prescription hors AMM ne fait pas l’objet d’un encadrement juridique rigoureux et rien ne l’interdit en soi. La législation prévoit uniquement deux hypothèses où une telle prescription est formellement autorisée : dans le cadre des autorisations temporaires d’utilisation, dites ATU, et dans le cadre de la recherche biomédicale.
Le médecin reste donc libre de ses prescriptions, et peut donc, sous son entière responsabilité, prescrire hors AMM.
Comment prescrire hors AMM ?
En tout état de cause une telle prescription n’est envisageable que si elle s’effectue dans l’intérêt du patient, qu’il n’existe pas de prescription possible dans le cadre de l’AMM et que cette prescription est conforme aux « données actuelles de la science ».
L’article 40 du Code de déontologie médicale dispose en effet que « le médecin doit s’interdire, dans les investigations qu’il pratique, comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ».
Il lui revient donc de faire un choix proportionné en évaluant le bénéfice de la prescription hors AMM par rapport aux risques susceptibles d’être engendrés par une telle prescription.
D’autre part, seuls les articles parus dans des revues scientifiques, les recommandations de sociétés savantes, des référentiels validés, permettent au médecin de justifier sa prescription hors AMM et l’absence de risque disproportionné qu’elle entraîne pour son patient.
Enfin, il est impératif d’informer le patient du caractère hors AMM de la prescription, des raisons pour lesquelles il le prescrit, des alternatives thérapeutiques, des éventuels effets indésirables, et bien entendu recueillir son consentement. A noter que le Code de la sécurité sociale impose au médecin de signaler sur l’ordonnance le caractère non remboursable du produit prescrit hors AMM.
Responsabilités de la prescription hors AMM.
Comme tout acte médical, la prescription hors AMM est susceptible d’engager la responsabilité disciplinaire civile ou pénale du médecin (comme celle d’ailleurs du laboratoire pharmaceutique, du pharmacien ou de l’infirmière), d’autant qu’en se plaçant hors du champ réglementaire, il se trouve dans une situation fragile en cas d’incident thérapeutique.
En effet, le médecin prescripteur n’est en principe pas responsable des complications liées à ses prescriptions si elles correspondent à une bonne indication et si elles sont adaptées à la pathologie et au patient. Or prescrire hors AMM, c’est inévitablement faire courir un risque à son patient, et c’est sur l’évaluation du caractère justifié ou non du risque que se fondera la mise en jeu de la responsabilité du médecin. De même, il ne faut pas oublier que l’article 39 du Code de déontologie médicale prohibe les procédés « insuffisamment éprouvés », ce qui peut servir d’argument à un laboratoire en soutenant que l’AMM est une procédure de contrôle de l’efficacité et de l’innocuité des produits et que son non-respect est une prise de risque illégitime.
En cas de problème, ce sera au médecin de combattre la présomption de ne pas avoir respecté les bonnes pratiques professionnelles, avec l’aide d’experts s’il le faut, mais également à l’aide de la littérature médicale, de référentiels validés afin de convaincre de la légitimité de la prescription hors AMM et l’absence de risque disproportionné qu’elle a entraîné pour le patient. Il faudra également apporter la preuve que l’information a été délivrée et le consentement recueilli.