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Archives Santé en région

Région La Réunion

16 juillet 2020

Rencontre avec le Dr Reuben Veerapen, chirurgien thoracique et cardio-vasculaire, installé à LA CLINIQUE Sainte-Clotilde, sur le territoire communal de Saint-Denis de La Réunion. Le Dr Veerapen est également président du Collège des Spécialistes libéraux à l’URML de l’Océan Indien et vice-président du Conseil de l’Ordre des Médecins de la Réunion.

Que ce soit en tant que médecin libéral, président ou vice-président, il s’est beaucoup investi durant ces mois de crise sanitaire.

Les multiples actions du syndicat ont été appréciées pendant cette crise inédite. Elles ont permis de réduire les cas d’infection au COVID-19, de mobiliser les médecins et les autorités et de travailler ensemble pour les soignants et les patients.

« Nous avons été très présents, à tous les niveaux et sur toutes les instances, dès le début de la crise début mars. Notamment sur des réunions préfectorales hebdomadaires, des réunions avec l’ARS, 3 à 4 fois par semaine et des réunions au côté de nos collègues toutes les semaines. Ce sont là les réunions principales. Nous en avons également fait avec des établissements de santé. Et cela a permis de mettre en place, pour l’île de La Réunion, un Comité Scientifique réunissant le CHU, les infectiologues libéraux comme hospitaliers, le département universitaire de médecine générale, le conseil départemental et le conseil inter régional de l’Ordre des Médecins, l’URML, l’URPS infirmiers et des pharmaciens. Ce Comité Scientifique a ainsi regroupé une grosse communauté inter médicale et inter institutionnelle. C’est ainsi que nous avons pu accompagner les autorités locales dans les décisions concernant la crise du COVID. L’URML a été un moteur à ce niveau-là pour la gestion de la crise sur l’île de La Réunion. »

La vie des Spécialistes à La Réunion par rapport à la Métropole

« Ce qui a été fait en Métropole n’a pas forcément été mis en place ici. Nous avons des spécificités qui font que cela n’était pas réalisable. Par exemple, nous sommes une île au milieu de l’Océan Indien, notre insularité et notre éloignement (11 heures d’avion de l’Hexagone) ne permettent pas de bénéficier d’une solidarité sanitaire nationale comme cela a pu être le cas au niveau du territoire national. Nous ne pouvions donc pas bénéficier de transfert sanitaire en cas de saturation du système de santé local. La première région française à proximité est Mayotte qui est structurellement plus fragile au niveau sanitaire et la solidarité régionale voulait que ce soit l’inverse qui se fasse avec des transferts de patients de Mayotte vers la Réunion. Devant cette situation toute particulière, notre vraie problématique a été d’empêcher que le virus n’arrive sur l’île. 

Au début de la crise sanitaire nous étions à 80 lits de réa disponibles à La Réunion en up gradant des lits nous avons pu monter à 150 lits de réa, mais après il fallait aussi de la ressource humaine pour faire fonctionner ces lits. Heureusement nous n’avons jamais eu besoin de l’ensemble de ces lits, car nous avons pu stopper l’entrée du virus sur l’île de La Réunion. Comment ? En contrôlant l’aéroport et le port. Le Comité scientifique a d’emblée demandé un contrôle très strict à l’arrivée sur l’île ainsi que l’imposition d’une quatorzaine dès l’arrivée, ce qui n’était pas le cas au début de la crise sanitaire. Nous avons réussi à ce que cela soit obligatoire grâce à un arrêté préfectoral et cela a été repris par la suite dans les textes concernant les DOM. Cette quatorzaine a vraiment permis de stopper le virus, et d’éviter ainsi une épidémie. Ainsi nous nous sommes retrouvés avec peu de cas pendant la crise. Nous étions à 350 cas fin mai début juin ; 80% des cas étaient des cas importés et les 20% autres étaient des cas de transmission intrafamiliale secondaires à une quatorzaine effectuée à domicile au retour de métropole. 

Ensuite il y a eu toute la coordination des parcours de soins concernant le COVID, au niveau de la relation et coordination ville-hôpital et la sortie des patients. Comment les prendre en charge ? Comment organiser les structures libérales qui s’en occupent ? la place du médecin traitant, les infirmiers, les matériels de protection, etc.  

Il y a eu aussi toute la mise en place des tests de dépistage et/ou diagnostic COVID avec la participation des laboratoires privés dès le début de la crise et l’ouverture des drives dès la troisième semaine de Mars. L’URML a été moteur, notamment pour fédérer les acteurs de la santé et permettre de mettre à la disposition de l’ensemble de nos collègues les ordonnances types pour faciliter la pratique en cette période de crise par rapport à cette nouvelle pathologie.

« Comme beaucoup de régions françaises nous n’avons pas eu assez de matériel de protection pour les soignants. Ce fut encore plus problématique qu’en Métropole car nous sommes loin de tout. Et comme nous avions peu de cas (en Mars par rapport au grand est par exemple) nous n’étions pas prioritaires pour le matériel. Les infirmiers et médecins n’avaient pas de masques, pas de surblouses, pas suffisamment de gants. Nous nous sommes ainsi retrouvés à prendre contact nous-mêmes avec des fournisseurs en Chine (via des intermédiaires locaux) pour commander nos masques, visières et surblouses. Cette action a été très appréciée. »

S’adapter à la crise sanitaire.

Il y a eu également des centres ambulatoires dédiés pour lesquels l’URML et le Conseil de l’Ordre ont œuvré pour que l’on puisse mettre en place les structures juridiques et réglementaires.

En parallèle il y avait un vrai problématique d’accès aux soins pour les patients non COVID, pour la médecine générale et spécialisée. En tant que président du Collège des Spécialistes libéraux à l’URML nous avons demandé à ce que nous soient remontées les problématiques des spécialistes via plusieurs réunions par web organisées avec les différentes spécialités. Il n’y avait pas eu de décès à La Réunion (sauf à partir de fin Mai concernant les évacuations sanitaires de Mayotte) et l’ensemble des médecins craignaient une augmentation des décès par pathologie non-COVID. Effectivement, les cabinets avaient été désertés et ce toutes spécialités confondues pendant plus d’un mois et demi. Cela ne s’est pas encore vérifié car en mars et avril il y a eu très peu de sur mortalité mais je pense que l’on va le voir sur les chiffres que l’on aura pour juin, juillet et août. Car nous avons tous les malades qui arrivent maintenant et qui sont dans des états gravissimes ou avec des pathologies plus complexes à prendre en charge.

Pour essayer de palier à ce problème nous (URML et Conseil de l’Ordre) avons œuvré pour la consultation par téléphone. La téléconsultation est très compliquée à mettre en place à la Réunion car nous avons peu de 4G du fait des reliefs de l’île. Et nous avons également une population âgée ayant difficilement accès aux moyens de communication numérique. Ainsi la consultation par téléphone a été vraiment d’un grand secours. Nous avons été aidés par les institutions comme la sécurité sociale pour cette mise en place. 

Nous avons aussi eu la gestion de la crise financière pour nos collègues, que ce soit pour les médecins généralistes comme spécialistes libéraux, qui n’avaient plus de consultation donc plus d’activité. Il y a une grosse souffrance à ce niveau-là. Les médecins généralistes ont travaillé à 20% dans le premier mois, les spécialistes entre 0 et 10%. En mai et juin ce fut 20% pour les spécialistes et un peu plus 40 à 50% pour les généralistes. Et à partir de juin cela a commencé à reprendre avec 50 à 60% pour les spécialistes et à peu près à 80% pour les généralistes.

Cela a énormément fragilisé le tissu libéral, en particulier pour les spécialistes avec qui j’ai été beaucoup en lien. Des jeunes médecins qui se sont installés en début d’année ou qui devaient s’installer pendant cette période se sont retrouvés sans ressource, du fait de l’absence d’activité médicale. Le Conseil de l’Ordre a pu les aider via l’entraide mais sans pouvoir complètement remplacer le manque à gagner. Certains jeunes spécialistes, qui projetaient une installation au mois de Mars ont tout arrêté et envisagent maintenant de regagner la métropole. Cela va constituer une vraie perte pour l’offre de soins sur le territoire.

Il faut savoir que La Réunion est en déficit de spécialistes par rapport à la Métropole d’environ 30% et que l’on sous-consomme au niveau médical du fait du manque d’accès aux soins. Heureusement nous avons la même dotation pour les médecins généralistes qu’en Métropole. Mais le fait de perdre quelques jeunes spécialistes qui allaient s’installer fait que le tissu libéral en spécialités sera compliqué à remettre en route. »

Quelques mots sur le Ségur de la Santé

« Il vient tout juste de se terminer avec différentes réunions au niveau régional et national, l’URML et la section spécialistes ont participé à l’ensemble de ces réunions avec le Dr Kowanczyck (présidente de l’URML), le Dr Vassas (trésorier de l’URML) et moi-même pour les spécialistes.

Nous avons fait des propositions notamment pour renforcer le tissu libéral sur l’île de La Réunion, agir en faveur du retour des spécialistes dans le département et aussi favoriser cette coordination ville-hôpital-établissements soins privés.

Le monde libéral n’attend pas grand-chose de ce Ségur de la Santé car il semble très centré sur l’hôpital. Tout comme pendant la crise où les médecins libéraux ont été un peu mis de côté au profit du monde hospitalier. Alors que le monde libéral s’est très rapidement adapté à la situation. En moins de 48h les cliniques privées s’étaient adaptées pour libérer des lits… »

Et aujourd’hui quel est votre état d’esprit ?

« Nous avons une nouvelle inquiétude car les vols commerciaux ont repris avec la métropole à raison de plus de 20 vols par semaine. Mais les gens ne respectent pas les gestes barrières, il n’y a plus de quatorzaine ou de septaine et les tests ne sont pas toujours réalisés comme cela le devrait. Aussi nous craignons que l’épidémie ne se développe sur La Réunion alors qu’elle avait été contenue jusqu’à présent. L’alerte a été lancée auprès des autorités (préfecture et ARS) pour permettre de préserver l’île de La Réunion ».

Région PACA

29 juin 2020

Une équipe de soins spécialisés pour une meilleure coordination.

Rencontre avec le Dr Bruno Perrouty, neurologue depuis 30 ans, installé à Carpentras dans un cabinet de groupe avec deux autres neurologues, depuis 20 ans. Le Dr Perrouty est également président du Syndicat National des Neurologues.

Son mot d’ordre est « la coordination ». Il pratique déjà la délégation des tâches avec une infirmière spécialisée.

« La neurologie est une spécialité confrontée à beaucoup de pathologies différentes. C’est une spécialité très clinique et médico-technique (avec les actes complémentaires). Les neurologues doivent gérer des pathologies d’urgence (accidents vasculaires cérébraux, crises d’épilepsie, etc.) mais également des pathologies chroniques (maladie de Parkinson, épilepsie, sclérose en plaques, Alzheimer, etc.). Ces pathologies chroniques nécessitent bien évidemment un suivi mais un suivi avec un réseau de soins car dans un certain nombre de cas nous avons besoins d’avis d’experts.

Dans notre région il y a déjà des réseaux d’experts, pour la maladie de Parkinson ou l’épilepsie par exemple. Mais ces réseaux sont plus ou moins formalisés. Aussi notre volonté est d’essayer à la fois de mieux organiser le fonctionnement avec les médecins traitants et les centres experts mais surtout d’avoir une coordination plus efficiente parce que l’on s’aperçoit que l’on n’arrive pas à répondre rapidement aux demandes des médecins généralistes, qui sont gênés dans leur activité car ils ont dû mal à nous joindre. Donc le fonctionnement doit être amélioré pour le bien des patients avec des prises en charge plus rapide dans nos cabinets mais aussi les centres experts.

La particularité dans notre organisation locale est que l’on est en ville mais aussi à l’hôpital. Avec mes associés nous faisons tous les 3 des vacations dans les hôpitaux de notre secteur. Cela nous a permis de mettre en place des protocoles de prises en charge, ainsi un patient sera orienté vers l’hôpital d’Avignon pour certaines pathologies ou suivis, ou Orange, Carpentras, Marseille, etc. Ce lien ville-hôpital est pour nous très important et il doit être mis en avant. On est complémentaire, on n’est pas en opposition !

Aussi pour développer cette coordination et conformément aux possibilités données par la loi Ma Santé 2022, nous avons imaginé une Équipe de soins spécialisés pour répondre à l’amélioration de la coordination des soins et permettre au médecin traitant de nous joindre rapidement à tout moment, pour avoir une consultation non programmée dans les 48h ou une téléexpertise pour les consultations faciles. Ce serait rendu possible avec l’aide d’une coordinatrice joignable directement par le médecin généraliste, qui pourrait également répondre directement à certaines questions, prendre des rdv en imagerie en urgence, contacter le service de neurologie d’Avignon, les centres experts de Marseille, Montpellier pour avoir rapidement un avis d’expertise, etc.

Cette Équipe de soins spécialisés s’inscrit d’emblée dans une coopération et une coordination avec la CPTS de Carpentras. Elle aurait aussi vocation à se coordonner avec d’autres CPTS, à mettre en place des formations (pour les paramédicaux par exemple), à élaborer des protocoles, à répondre à des centres neurologiques, à initier des réunions pour échanger et améliorer les pratiques en adhérant à la pertinence de la qualité des soins. L’objectif est d’agir sur tout le territoire du Vaucluse et un peu au-delà en collaborant avec les autres CPTS, pour une meilleure prise en charge des patients.

Nous sommes prêts à démarrer ! Notre problématique : l’attente d’une réponse de l’ARS, le dossier a également été transmis à l’URPS. »

Ce projet a été initié il y a un peu plus d’un an, il a été affiné petit à petit. Il a été envoyé à différences instances concernées, dont la CPAM du Vaucluse. Le Dr Perrouty est un peu dubitatif sur la réactivité de l’ARS. Ce n’est pas le premier projet qu’il présente. Il y a deux ans, un autre projet de coordination a été envoyé à l’ARS. Celui-ci concerne les troubles de l’apprentissage chez l’enfant. Il a été monté avec des médecins généralistes, car ces troubles sont importants. Il devient urgent de pouvoir faire quelque chose pour les aider. Mais à ce jour aucune réaction de l’ARS.

« Pas de réponse ou des réponses floues… Pour l’Équipe de soins spécialisés un premier retour a été « on ne connait pas » ! Ce projet rentre tout à fait dans les budgets alloués en faveur de la coordination, il y fait état des soins non programmés, de télémédecine, de pertinence des soins mais nous sommes toujours en attente…

Dans la région nous avons, pour les libéraux, plusieurs réseaux mais ils fonctionnent de manière non reconnue. Lorsque nous avons des visio-conférences avec la Timone, par exemple, pour échanger sur des patients atteints de SEP, nous n’avons pas de cotation, pas d’aide particulière. Nous faisons partie de réseaux et l’ARS ne réalise absolument pas le travail et la coordination qui sont fait dans le cadre de la pertinence des soins des patients.

Cette Équipe de soins spécialisés permettrait de rendre visible ce que l’on fait dans l’ombre. Avec des moyens supplémentaires nous pourrions encore améliorer cette coordination des soins.

Il faudrait que l’on puisse démarrer et ainsi démontrer que cela fonctionne et facilite le parcours de soins des patients et la coordination entre médecins. Mais sans l’accompagnement de l’ARS , rien n’est possible. »

Région Île de France

15 juin 2020

La mortalité par arrêt cardiaque a augmenté pendant le confinement dans la Région Parisienne :
Pouvions-nous la prévenir ?

Le confinement a été souvent mal compris par nos patients chroniques ne consultant pas de peur de contracter la COVID-19, notamment chez les patients cardiaques où l’on sait que la mortalité par infarctus du myocarde est de 150 000 par an soit 400 décès par jour.

Nous redoutions une aggravation des pathologies chroniques vers un stade aigu et c’est malheureusement la constatation qui vient d’être soulignée à la faveur d’une publication du Lancet du 28 mai 2020 rapportée par une équipe parisienne.

Celle-ci a enregistré pendant la période de confinement, un doublement des arrêts cardiaques extra-hospitaliers en Région Parisienne.

En effet, pendant les 6 premières semaines du confinement, il a été noté 26.6 arrêts cardiaques par semaine pour un million d’habitants, confrontés au 13.4 arrêts cardiaques pour un million d’habitants l’année précédente, constatant que ce chiffre avait en effet presque doublé.

Cette augmentation a été également constatée sur le nombre d’arrêts cardiaques à la maison qui est de 90.2% rapporté à celui de l’année précédente qui est de 76.8% ; par ailleurs les délais d’intervention étaient allongés.

A l’admission à l’hôpital, 12.8% des patients identifiés étaient vivants contre 22.8% à la même période des années précédentes, avec une diminution de survie à l’admission de 64%.

Comment peut-on expliquer ce phénomène ?

Les hypothèses sont nombreuses, à savoir un suivi moins régulier de personnes cardiaques et/ou présentant des facteurs de risque, une saturation de la médecine de ville et des services hospitaliers, un changement de comportement de certaines personnes pendant cette épreuve de confinement avec la crainte bien entendu d’être hospitalisé dans le contexte de la COVID.

En interrogeant les comportements des témoins, ceux-ci étaient moins enclins à pratiquer une réanimation cardio-pulmonaire par rapport aux années précédentes.

L’hypothèse étant, bien entendu,  la peur d’être exposé au COVID-19.

Que faut-il en retenir ?

  • Nous avions alerté nos patients chroniques afin qu’ils viennent consulter en cas de signes anormaux en garantissant la sécurité des cabinets par les mesures barrières, par l’intermédaire d’appels téléphoniques mais aussi de recommandations diffusées par le Conseil National Professionnel Cardiovasculaire.
  • Nous allons continuer à informer le grand public sur les 3 gestes qui sauvent, à savoir en premier lieu l’appel du 15, secondairement le massage cardiaque et enfin, l’utilisation du défibrillateur automatique externe.
  • Nous allons réitérer ces messages afin de ne pas fragiliser nos patients chroniques notamment en cas de deuxième vague de COVID.